samedi 29 septembre 2012

la tour de Saint-Amand


In Mgr Deshaines : Le Nord monumental et artistique, Lille, imprimerie Danel, 1897, 2 volumes, volume 1 : pp 70-74




La tour de Saint-Amand, seul reste aujourd’hui conservé de la magnifique église de l’abbaye de ce nom, est l’une des principales curiosités du département du Nord. On ne trouve aucune construction analogue ni en France et dans les Pays-Bas, ni en Italie et en Espagne. Certaines lignes de cet édifice, ainsi que certaines parties de son ornementation, reportent la pensée vers les pagodes de l’Indoustan, monuments que sans doute son architecte ne connaissait pas.

Cette tour, qui a 81 m 50 de haut, est construite en pierre blanche du pays, avec des grès à l’étage qui sert de soubassement. Elle se compose de deux parties : la tour proprement dite, construction large et massive dont la partie centrale monte au-dessus du grand portail entre deux avant-corps qui s’élèvent au-dessus de niches correspondant à ce portail, el la flèche, en forme de dôme allongé, qui repose sur la partie centrale de la tour et qui est accostée de deux clochetons établis au-dessus des avant-corps.

La tour proprement dite est divisée en cinq étages construits chacun dans l’un des cinq ordres d’architecture, tels qu’on les trouve dans les traités de Vignole et de Palladio, le toscan, le dorique, l’ionique, le corinthien et le composite, avec leur base, leur fût, leur chapiteau et leur entablement. Par une disposition qui se rencontre rarement, ces cinq ordres y sont superposés dans un même édifice : et nous devons ajouter que leurs proportions sont trop courtes et que leur ornementation est loin d’être exempte de fantaisie.

Au rez-de-chaussée, qui forme le premier étage et qui est d’ordre toscan les grès sont taillés en bossage, comme dans les grands palais italiens ; au second étage les colonnes sont garnies d’une décoration simulant de larges bandes de fer se coupant à angles droits et maintenus par d’énormes clous ; les colonnes du troisième étage sont contournées l’une dans l’autre ; celles du quatrième présentent des losanges et celles du cinquième des cannelures. La recherche qui se remarque dans les motifs d’ornementation de ces colonnes de quatre de ces étages n’est point dans l’esprit de l’architecture gréco-romaine et ne convient pas à une construction monumentale. La porte et les deux grandes niches du rez-de-chaussée sont bien dans le style. Nous n’en dirons pas autant du grand motif sculpté sur la partie centrale du second et du troisième étage : il représente dans une niche profonde une église en perspective où se voyait Jésus chassant les vendeurs du Temple, sujet en ronde bosse dont il ne reste aujourd’hui que des débris informes, et au-dessus deux banderoles déroulées sur lesquelles on lit encore les textes de l’écriture : Domus mea domus orationis vocabitur et Nolite facere domum patris mei domum negotiationis. Sur chacun des deux avant-corps, on trouve au second étage une cartouche rectangulaire aujourd’hui sans sujet, et au troisième un autre cartouche avec volutes où étaient des bustes postés sur un socle.

La base du quatrième étage porte à la partie centrale, le mot SANCTUS,  écrit en lettres doubles, qui sont entrelacées de manière à former ce mot soit de gauche à droite, soit de droite à gauche. ; de chaque côté on lit en caractère hébraïques ALLELUIA. Le quatrième et le cinquième étage offrent à la partie centrale, comme le second et le troisième, un sujet en perspective qui conviendrait plutôt à un retable qu’à un grand édifice : c’est un oculus très profond, au centre duquel siège l’éternel, entouré de rayons et environné d’anges et de nuages qui se répandent en dehors de l’oculus ; on lit sur l’entablement du cinquième étage vere Dominus est in loco isto. Les avant-corps sont décorés au quatrième étage de grands écussons à volutes où se voyaient probablement les armes de l’abbaye et celles de l’abbé Nicolas du Bois, avec sa devise Pacifice (Note : Les armes de l’abbé du Bois, qui appartenait à une famille de petite noblesse de Tournai, sont d’or à trois fasces de sable et d’après d’autres de sable à trois fasces d’or. Les armes de l’abbaye sont mi-parti au 1 d’or à l’aigle déployée, becquée et membrée de gueules et au 2 d’azur semé de fleurs de lis d’or.), et au cinquième étage d’autres motifs avec bustes.

Une riche balustrade à piliers élégamment tournés couronne cette première partie du monument, dont l’ornementation, comme on vient de le voir, présente de la recherche et de la surcharge sur plusieurs points de la partie centrale et a été formée, pour les deux avant-corps, à l’aide d’un système de placage et de découpage que la France et les Pays-Bas avaient emprunté à l’Italie.

La partie centrale de la tour sert de support, comme nous l’avons dit, au clocher. Ce clocher, que de grandes volutes relient à la balustrade, est un dôme allongé de forme octogonale et divisé, comme la tour, en cinq étages. Dans le premier de ces étages se voient les auvents, ouverts autour d’un carillon très remarquable composé de trente-huit cloches formant trois gammes chromatiques, cinq octaves et demie ; dans le second la date de 1648 (note : on trouve, dans le frontispice du clocher, la date de 1637.) et le mot Pacifice ; dans le troisième des cartouches sculptés et dans le quatrième les armes de l’abbé du Bois et de l’abbaye ; le cinquième sert de base à une lanterne élégante qui domine le monument. Les deux clochetons portés par les avant-corps rappellent la lanterne du clocher.

La description que nous venons de tracer peut faire connaître les lignes principales de l’édifice. Mais il faut le voir, pour se faire une idée du caractère qu’il présente et surtout des nombreux et riches motifs de décoration, qui, depuis le pied de la tour jusqu’au sommet de la lanterne du clocher, sont répandus sur ses diverses faces avec une profusion excessive. On se rappelle, en contemplant cette ornementation, le vers que Boileau écrivait à l’époque même où se construisait la tour :
Ce ne sont que festons, ce ne sont qu’astragales.

Le véritable auteur de ce monument, celui qui en a conçu l’idée, dessiné le plan, dirigé et surveillé l’exécution, c’est Nicolas du Bois, abbé de Saint-Amand, de 1621 à 1673. Il ne peut y avoir aucun doute à ce sujet. Pellisson, l’historiographe de Louis XIV, qui visita l’abbaye au moment où l’on était sur le point d’achever la construction, dit, dans une lettre adressée à Mlle de Scudéry, que « l’abbé est lui-même le seul architecte, le seul directeur des travaux ». Et des religieux de l’abbaye, dans un mémoire dirigé contre lui, l’accusent « d’avoir fait des bastimens de parade et d’avoir voulu estre l’architecte ». M Arthur Dinaux dit que Nicolas Dubois fut à la fois l’architecte, le dessinateur, le directeur et le piqueur des travaux exécutés à l’abbaye, qu’on le voyait à la carrière et sur les échafaudages, et qu’en 1663, lorsqu’il eut été frappé d’une attaque de paralysie, il se fit transporter, sur un brancard, au milieu des ouvriers. Outre la tour, l’abbé avait fait reconstruire l’église et le vaste et riche ensemble de l’abbaye, dans lequel fut élevé, pour servir aux échevins de la ville et aux francs-jurés, l’élégant pavillon qui sert encore aujourd’hui de mairie et où se lisent les dates de 1632 et 1633.

Tout cela avait exigé une dépense d’environ 3 millions, somme qui équivaut à plus de 10 millions de nos jours.

L’académicien Pellisson, dans la lettre dont nous avons déjà cité un extrait, dit, en parlant de l’église et de la tour de Saint-Amand, que c’est l’édifice le plus beau, le plus surprenant qu’il ait vu de sa vie et que c’est un ouvrage digne de la plus savante et de la plus superbe antiquité’. L’histoire de l’art, telle qu’elle est comprise de nos jours, n’a pas ratifié cette appréciation des contemporains de l’abbé du Bois. Mais bien que la tour de Saint-Amand présente, comme nous l’avons déjà dit, des fautes contre les lois qui régissent l’architecture, certaines bizarreries et de la recherche dans les sujets sculptés, et une profusion excessive dans les motifs d’ornementation, il faut reconnaître que c’est un édifice imposant et grandiose, original et unique en son genre, qui constitue un immense effort et une tentative très hardie (note : voir l’appréciation peut-être un peu sévère de M. Léon Palustre, dans la Renaissance en France, où se trouve une remarquable gravure représentant la tour, Paris, Quantin 1879, p.8)



la Noble Tour de Lille à la fin du XIXe siècle


In Mgr Deshaines : Le Nord monumental et artistique, Lille, imprimerie Danel, 1897, 2 volumes, volume 1 : p 51


A Lille, il ne reste des fortifications du Moyen-Age que la Noble tour qui est située sur le rempart, derrière l’hôpital saint-Sauveur. Ce monument se compose d’une puissante tour circulaire de 20 mètres, flanquée à l’ouest de deux tourelles rondes, réunies par une petite courtine rectiligne. Les murs du corps principal ont une épaisseur de plusieurs mètres ; ils sont percés par de longues meurtrières destinées à servir d’embrasures pour les couleuvrines. Construit, comme le prouvent les comptes de la ville, au commencement du XVe siècle, ce donjon formait le centre de la défense de Lille, du côté de la porte Saint-Sauveur. Il était partagé en trois étages, dont le dernier surplombait les autres par une galerie de mâchicoulis. Cette galerie est démolie depuis longtemps ; et l’étage inférieur ou rez-de-chaussée a été enfoui sous le remblai que Vauban a fait élever de ce côté de la ville. Les poivrières, qui recouvrent la grosse tour et les deux tourelles ont perdu beaucoup de leur hauteur. L’ancienne entrée et l’étage inférieur étant enfouis, comme nous venons de le dire, on pénètre aujourd’hui de plain-pied dans le second étage par une petite porte percée du temps de Vauban, d’où un couloir conduit dans une belle salle circulaire à voûte ogivale, soutenue par huit arceaux en pierre, dont les nervures partent du sol pour se réunir au centre à une clé de voûte.. L’escalier conduit au troisième étage, qui est formé d’une salle presque semblable à celle du second, avec cette différence que la voûte, au lieu d’être ogivale, a la forme d’une calotte aplatie ; cette salle est munie d’annexes crénelés, prises dans la tourelle du sud. Un mur ferme l’escalier du rez-de-chaussée, qui est d’ailleurs complètement rempli de terre et de débris.


(Note : L’ensemble de cette description est emprunté à un article publié dans l’Echo du Nord, en date du 9 février 1882, à la suite de la visite faite à la Noble Tour, par la Commission Historique du Nord. Cet article est de M. H. Verly, membre de la commission.)

Le beffroi de Bergues tel qu'en 1897

In Mgr Deshaines : Le Nord monumental et artistique, Lille, imprimerie Danel, 1897, 2 volumes, volume 1 : p 41-42


A l’une des extrémités de la place de l’hôtel de ville de Bergues, s’élève le beffroi, tour en briques e 54 mètres de haut et offrant 7 m 50 de large sur chacune de ses faces. La porte qui donne l’accès à l’intérieur se trouve côté Sud, mais le côté Est, orné d’une manière plus symétrique, faisant face à l’hôtel de ville et moins engagé dans les habitations, peut être considéré comme la façade principale/
Entouré à sa partie inférieure de constructions parasites que l’on a malheureusement laissé s’y grouper, ce beffroi présente, à partir du toit de ces constructions jusqu’à la naissance des tourelles, des arcatures ogivales aveugles, dont les bordures sont formées à l’aide de petites briques moulées exprès. A 23 mètres du sol s’élancent, aux quatre angles de la tour, d’élégantes tourelles octogonales, placées en encorbellement et ornées comme la tour d’arcatures ogivales aveugles. Chaque tourelle est couverte d’un petit dôme en ardoises, offrant aussi une forme octogonale et couronné d’un gracieux campanile ; entre ces tourelles, au haut de la tour, se voient les quatre cadrans de l’horloge portés par des montants en fer. La partie supérieure de ces cadrans forme parapet autour de la plate-forme de la tour. Au centre de cette plate-forme s’élève la chambre des cloches, construction octogonale, qui est ouverte sur toutes ses faces, et au-dessus de laquelle s’élève le campanile central beaucoup plus grand et plus orné que ceux des tourelles. Il est surmonté d’une boule allongée et au-dessus de cette boule tourne au vent le  lion portant un étendard qui sert de girouette. Comme nous l’avons dit l’édifice est en briques, à l’exception toutefois de deux cordons de feuilles frisées ornant les tourelles qui sont en pierre, et de têtes bizarres placées aux angles de ces mêmes tourelles qui sont en bois. Le caractère de l’édifice révèle la fin du XIVe ou le commencement du XVe siècle. C’est à tort que l’on attribue aux Espagnols. C’est un monument qui est bien flamand et qui a été élevé près de deux siècles avant l’établissement de la puissance de l’Espagne en Flandre ; d’ailleurs les Espagnols, comme nous l’avons déjà rappelé, n’ont exercé aucune influence artistique dans les Pays-Bas. A l’intérieur les parties inférieures de la tour, bâties avec solidité et appuyées sur des murs épais et une voûte en ogive, supportent seules le poids des parties supérieures où se trouve la charpente. Cette charpente relie les quatre faces de la tour, sans les charger : la faiblesse d’écarrissage de ses montants verticaux prouve qu’ils n’ont d’autre destination que de prévenir l’écartement et de servir de tirants plutôt que de points d’appui. La charpente qui joue le rôle principal est dans la chambre des cloches; toutes les forces y sont concentrées autour d’un poinçon très solide qui sert d’axe général à la construction et en forme le véritable point d’appui.

La chambre des cloches renferme une grosse cloche dite le Tocsin, pesant 6.783 kilogrammes, une cloche dite de la Retraite ou du Ban, pesant 3.200 kilos, deux autres cloches, pesant chacune 750 kilos et enfin 29 cloches et clochettes de différentes grosseurs, servant pour le carillon. Parmi les inscriptions que présentent ces cloches, nous ne reproduirons que celle de la cloche du Ban, qui est en flamand et dont voici la traduction : « année 1782. Mon nom est cloche du ban, tel était aussi le nom de ma mère âgée de 222 ans et de ma grand’mère âgée de 177 ans. » La cloche de 1782 avait donc été fondue avec une cloche comptant 222 ans d’existence et par conséquent datant de 1560, et celle-ci avait elle-même été fondue avec une autre comptant 177 ans et datant par conséquent de 1383. Or, en cette année 1383, la ville de Bergues a été prise par les Français et livrée aux flammes, à l’exception de trois édifices religieux. Cette date de la fonte de la cloche est probablement aussi celle de la construction du beffroi.

vendredi 28 septembre 2012

autour du trésor de Childéric : Coco Lacour contre Bonnet Rouge


In P. Perin & L.-C. Feffer – Les Francs ; tome 1 : à la conquête de la Gaule – coll. Civilisations, Armand Perrin, Paris, 1987, 229 p. p 122
  
Contrairement à ce qu’on aurait pu penser, le « trésor » de Childéric, après 1665, ne souleva pas le même intérêt à la cour de France qu’à Tournai et à Vienne. Les reliques de Childéric prirent d’abord place dans les collections royales conservées au Palais du Louvre, avant d’être transférées à la Bibliothèque royale de la rue de Richelieu, où elles semblent avoir été peu accessibles. En effet, tous les chercheurs qui s’intéressèrent à cette découverte se bornèrent à reproduire les planches de Chiflet. Un inventaire daté de 1864, conservé à la Bibliothèque nationale, permet néanmoins de connaître la composition exacte du célèbre trésor.

Ayant traversé sans encombre la période révolutionnaire, le trésor de Childéric fit les frais du vol rocambolesque qui fut perpétré à la Bibliothèque royale dans la nuit du 5 au 6 novembre 1831, sans que la presse judiciaire de l’époque (les archives de la police ayant disparu lors de la Commune de Paris) n’en fit une seule fois mention, à la différence d’autres pièces d’orfèvrerie tenues pour plus prestigieuses, tel la « Patère de Rennes », le « Plat de César » ou le « sceau d’or de Louis XII » ! 

Le vol fut commis par un forçat évadé, Fossard, dit « Bonnet rouge » et par son complice Drouillet, dit « le voyageur ». Tous deux furent rapidement arrêtés par le policier Coco Lacour, adjoint du célèbre Vidocq. Après une enquête pleine de rebondissements, les suspects avouèrent et il fut enfin possible de savoir ce qu’étaient devenus les objets volés en novembre 1831. Les objets en or massif avaient été fondus à la hâte aussitôt après le vol et on retrouva au domicile du dénommé Drouhin, complice de Bonnet Rouge, dix-sept lingots d’or. Les objets les plus difficiles à transformer en lingots, comme les pièces cloisonnées du trésor de Childéric, furent immergées dans la Seine près du Pont-Marie, et à l’aide d’une cloche à plongeur, on pût repêcher le nombre exact de sacs de cuirs indiqués par les accusés, à la fin de juillet et au début d’août 1832. Au total, 77 des 80 kg de pièces d’orfèvrerie et de médailles furent récupérées mais la perte était immense pour l’art et la science. C’est pourquoi, en ce qui concerne le trésor de Childéric, le livre de Chiflet est un document irremplaçable.

le fabuleux coup de pioche d'Adrien Quinquin


In P. Perin & L.-C. Feffer – Les Francs ; tome 1 : à la conquête de la Gaule – coll. Civilisations, Armand Perrin, Paris, 1987, 229 p. pp.119-120

La tombe de Childéric fut découverte le 27 mai 1653 à 15 heures par un maçon sourd-muet, Adrien Quinquin, à l’occasion des travaux de reconstruction de l’hospice Saint-Brice à Tournai. A 2,50 m de profondeur, il mit au jour les débris d’une bourse de cuir remplie de pièces d’or, puis un bracelet en or, ainsi que des restes de fer et surtout une grande quantité de pièces d’orfèvrerie cloisonnée de grenats. Parmi ces objets se trouvait une bague sigillaire en or avec l’inscription CHILDERIC REGIS. Il s’agissait donc bien du roi Childéric, père de Clovis, qui était cité à plusieurs reprises par Grégoire de Tours dans l’Histoire des Francs.


L'anneau sigillaire de Childeric (D.R.)

Cette découverte fit l’objet d’une publicité immédiate à Tournai, puis à Bruxelles. A une curiosité bien compréhensible pour ce trésor royal, les citoyens de Tournai et les habitants des Pays-Bas espagnols ajoutèrent la fierté légitime de posséder la sépulture du roi qui avait engendré la première dynastie de la puissance voisine, la France ! L’archiduc Léopold-Guillaume, gouverneur des Pays-Bas au nom du roi d’Espagne Philippe IV, se fit remettre la presque totalité des trouvailles et chargea son médecin personnel Jean-Jacques Chiflet, de les étudier et les publier, initiative heureuse dont nous lui sommes redevables. Originaire de Besançon, Chiflet (1588-1673) s’était fixé à Bruxelles après une brillante carrière qui l’avait notamment conduit en Espagne, où il fut le premier médecin de Philippe IV. Celui-ci l’avait chargé de publier l’histoire de la Toison d’Or, car Chiflet ajoutait à sa science médicale un talent d’historien qui le conduira à publier près de trente-cinq ouvrages entre 1607 et 1659. On comprend donc les raisons qui conduisirent Léopold-Guillaume à faire appel à cet érudit pour l’étude et la publication de la tombe de Childéric.

L’affaire fut menée avec célérité puisque l’ouvrage paru à Anvers en 1655, en latin, sous le titre d’Anastasis Childerici I Francorum regis ; sive thesaurus sepulchralis Tomaci Nerviorum effossus et commentario illustratus, était illustré  de vingt-sept planches gravées et accompagnées de notations pertinentes. C’est à bon droit que l’on peut considérer ce travail comme la plus ancienne publication archéologique à caractère scientifique réel.

Après sa publication, le trésor fut à nouveau remis à Léopold-Guillaume qui, à son départ des Pays-Bas espagnols en 1656, l’emporta à Vienne. A sa mort en 1662, il devint la propriété de la maison d’Autriche et revint à l’empereur Léopold Ier. En 1665, Jean-Philippe de Schonborn, archevêque de Mayence et prince-électeur du Saint-Empire, obtint que ces précieuses reliques fussent remises à Louis XIV en signe de reconnaissance : en effet, celui-ci avait à la fois aidé l’armée impériale à vaincre les Turcs en Hongrie, en 1664, tout en soutenant le prince-électeur lors d’une révolte de ses sujets. L’empereur accepta, conseillé par son confesseur, le jésuite Brenik, et il fit faire des copies des objets dont plusieurs ont été récemment retrouvées à Innsbruck par le savant allemand Joachim Werner, professeur, membre de l’Académie des Sciences de Bavière. Les originaux furent remis à Louis XIV le 2 juillet 1665, alors qu’il se trouvait au château de Saint-Germain. »

Quand les Dunkerquois jugent leur ville en 1864


In L’habitation ouvrière dans l’agglomération dunkerquoise,  CAUE du Nord, Lille, 1981, 88 pages, pp16-17

« Au moment où de nombreuses constructions nouvelles s’élèvent en notre ville, où de nouveaux quartiers vont se former, les soussignés ont l’honneur de vous soumettre leurs réclamations sur l’état d’abandon dans lequel certaines rues sont laissées depuis trop longtemps déjà. Sur la nécessité d’apporter dans l’éclairage de la ville, d’urgentes améliorations. Sur les mesures qu’il conviendrait de prendre pour assurer à tous les habitants de la cité un air pur et sains, un libre et suffisant accès à toutes les demeures.

Lamentable état de certains quartiers.

Notre ville a toujours joui d’une réputation qu’elle a longtemps méritée, en ce qui concerne l’état d’entretien et la propreté remarquable de ses rues et quartiers.
Nous devons le dire avec regret, cette réputation est gravement compromise depuis quelques années.
Il existe aujourd’hui des quartiers complètement délaissés ; à un moment donné ces quartiers deviennent de vrais foyers d’infections, des cloaques inabordables, contre lequel état toute la population proteste.
N’attendez pas qu’une épidémie vienne justifier cette crainte générale.

Exode de notre population
Depuis quelques années déjà, notre population ouvrière émigre au dehors, ne trouvant plus à l’intérieur que des logements insuffisants, insalubres, inaccessibles pendant les trois-quarts de l’année.
Elle se porte à Saint-Pol, à Rosendaël où elle trouve ce qui lui est refusé en ville, des communications faciles, de l’espace, de l’air et des logements convenables. La caisse municipale souffre la première de cette émigration.
Le gouvernement impérial réclame partout pour la population ouvrière l’assainissement des quartiers insalubres, de larges voies de communication, une distribution d’air et de lumière, partout on voit les centres se transformer.
Il ne sera pas dit que l’administration municipale de Dunkerque reculera de deux siècles quand les autres devancent le progrès, qu’elle entravera plutôt que d’aider aux efforts privés pour embellir la cité et donner aux nouveaux quartiers le même aspect d’aisance et de propreté qu’elle avait autrefois.

Le Jeu de Mail
Depuis le déplacement des fortifications, le Jeu de Mail s’est transformé. Il est devenu un immense quartier où de nouvelles constructions s’élèvent tous les jours.
Mais quel regret pour tout jamais que l’administration ne se soit pas mis en rapport avec les propriétaires pour adopter un plan de percement des rues.
Nous avons là un dédale de ruelles, de petits passages sans aboutissans, ni débouchés.
Puis on peut déjà remarquer que, par suite d’exhaussements, par ailleurs, des maisons sont envahies par les eaux à la moindre pluie ce qu’une sage entente avec les propriétaires en temps utile, des alignements et des nivellements, arrêtés dès le principe, auraient assurément évités.
Dans tout ce quartier, une seule rue a été ouverte, celle du bâton, mais n’est-elle pas devenue un bourbier inabordable, un cloaque infecté pendant tous les hivers ? L’écoulement des eaux ménagères n’y est pas assuré. L’état croupissant de ces eaux chargées de toutes espèces de matières pendant l’état, devient un danger permanent pour le quartier.
Cette rue n’est pas éclairée, ce qui en fait un vrai coupe-gorge, la nuit. Il est temps de porter remède à cet état de choses, nous le réclamons avec insistance.
On peut voir ce que les autres villes font pour leurs nouveaux quartiers : pourquoi en serait-il autrement à Dunkerque ?

A la Citadelle
Dès l’établissement du chemin de fer, le  mouvement du port se porta du côté des quais garnis de rails, c’est-à-dire vers la Citadelle.
Il y a là sept rues d’accès aux quais ; trois seulement sont praticables.
Celle qui conduit à la place de la Citadelle n’est qu’une fondrière, les deux qui la suivent ne sont que d’affreux bourbiers pendant huit ou neuf mois de l’année.
La rue Poudrière de la Marine sert de dépôt d’immondices, de fruits gâtés, de mâchefer provenant des bateaux à vapeur qui stationnent au débouché de cette rue.
Un pareil état demande un remède immédiat.
Ces rues sont des voies communales. Il est urgent de les mettre en état de pouvoir servir à la circulation, de les assainir et de les rendre à leur véritable destination/

En basse Ville
Un certain nombre de rues n’ont que des chaussées de gravier.
Pour la plupart, les accotements ne sont pas garnis bien que l’écoulement des eaux y soit ménagé.
Mais la rue du Canal-de-Bergues reste à l’état de route de terre souvent  impraticable sur une partie de son parcours.
La rue St-Bernard est restée aujourd’hui à l’état de bourbier infect, sans égouts, sans aucune apparence de gravier ou de pavés ; elle n’est même pas éclairée.
Son extrémité vers l’abattoir sert de dépôt d’immondices. De plus, il importe que des constructions élevées contre l’alignement obligatoire de cette rue, soient reportées à l’alignement fixé par la loi.

Ile Jeanty
De ce côté, il y a  beaucoup à faire. Au-delà de la gare, il existe un quartier complètement abandonné, couvert d’habitations établies sans ordre, sans trace de rues, sans communication avec le centre que le passage établi sous le viaduc du chemin de fer souvent couvert d’eau une grande partie de l’année.
Quant à la rue de la Garde, pourquoi l’avoir réduite à 15 mètres au lieu de 22 qu’elle avait et cette largeur primitive de 11 mètres serait à peine  suffisante pour la grande circulation à laquelle elle est destinée. L’administration doit se mettre en mesure pour rétablir cette largeur car sur un côté n’existe encore aucune habitation.
Cette route du Four-à-Chaux qui sera bientôt bordée de maisons vénérables demande à être mise au plus tôt en état de viabilité. On doit y assurer l’écoulement des eaux de la rue de la Gare si l’on veut éviter de voir ces rues transformées en bourbiers chaque hiver comme cela se produit chaque année jusqu’à aujourd’hui.

Derrière la marine
 Il existe là une route qu’on ne saurait appeler rue, où il se fait déjà un grand mouvement qui s’accroitra considérablement avec le port agrandi. 
Rien n’y est fait encore de ce côté : les terrains sont libres. C’est le moment de s’assurer une voie de largeur suffisante et c’est dès aujourd’hui qu’il faut y donner une solution favorable.

En ville
Signalons encore en ville, les rues de l’Est, du Levant, de la Porte d’Eau laissées dans un état d’abandon déplorable.
Puis des réformes urgentes sont à opérer dans l’éclairage général de la ville, et notamment dans celui des quais et des bassins du port.
A certaines époques de chaque lune, le gaz est éteint à une heure peu avancée de la soirée. Quelquefois, il n’est pas allumé du tout par mesure d’économie sans doute malgré les graves inconvénients que cela présente.
Il est temps de porter remède à pareille situation ; des malheurs tout récents ont démontré une fois de plus le danger de ne pas éclairer la nuit entière. Si certaines rues peuvent rester dans l’obscurité pendant une partie de la nuit, il n’en reste pas de même autour des bassins. On n’y circule qu’avec crainte. Faut-il attendre de nouvelles victimes pour obtenir une autre distribution d’éclairage ?

Au résumé
Nous demandons que notre administration municipale fasse procéder sans délai à la mise en état de viabilité de toutes les rues anciennes, nouvelles, grandes ou petites, restées abandonnées aujourd’hui.
Que le réseau des égouts soit complété partout où il n’a pas encore été étendu.
Que les fils d’eau soient établis où ils manquent et que les nivellements et alignements soient déterminés partout où ils ne le sont pas.
Que l’éclairage soit répandu dans tous les quartiers et enfin qu’une plus juste répartition soit faite des deniers de la caisse municipale. Moins de somptuosité dans les constructions… »

Pétition des habitants au Maire de Dunkerque
1864
Publiée dans L’Union Faulconnier en 1931

mercredi 26 septembre 2012

la Colonne de la Victoire de Dunkerque



In Journal Le centenaire du siège de Dunkerque 1793-1893, exemplaire unique, Dunkerque, 9 & 10 septembre 1893,
Qu’elle est belle en l’azur immense
Oh ! Que superbe en son décor
Est la victoire qui s’élance
En son sommet aux reflets d’or
ED.F.


Le monument commémoratif a été érigé sur les plans et sous la direction des architectes de la ville, MM. Jules Lecoq et Jean Morel.
Il se compose d’un piédestal en pierre soutenant une colonne dorique surmontée d’une Victoire en bronze. Le piédestal porte trois inscriptions et un bas-relief représentant la construction du Bastion National.
L’exécution en a été confiée à un artiste de mérite, M. Edouard Lormier, de Saint-Omer, statuaire à Paris, et à M. Ernest Pinée, entrepreneur des travaux municipaux.
L’emplacement ne pouvait pas être mieux choisi ; élevé à l’endroit même où nos pères ont si vaillamment combattu pour Dunkerque et pour la France, ce monument produit le meilleur effet. La Victoire qui le surmonte rappelle aux générations présentes le début d’une inoubliable épopée. Elle évoque le souvenir de ces volontaires de la République qui, embrigadés parmi les vieux régiments de Louis XVI, furent les dignes précurseurs de ces héroïques phalanges qui, pendant quinze ans, promenèrent le drapeau tricolore à travers le monde.
Cette œuvre devait trouver tout naturellement place dans notre journal. Notre cher artiste O. Norie en a fait le motif d’une allégorie à la fois vivante et grandiose, Le présent évoquant le Passé. Les soldats de 1793, sortis de leur « linceul de gloire », viennent revêtus de leurs costumes de guerre, saluer la Victoire qui les fit voler de succès en succès des plaines de la Flandre maritime aux collines de Wattignies. On se rappelle invinciblement le réveil de Raflet où les vieux guerriers, couchés depuis des années dans le suprême sommeil, se lèvent tout à coup, dans leurs uniformes noircis par la poudre des combats, au bruit du tambour qui les convoque à la « grande revue ».

* * *

La première pierre de la colonne a été posée par M. Gustave Lemaire, Conseiller général, Maire de Dunkerque, le 18 mai dernier. Sous la pierre a été placée une boite en plomb renfermant un original sur parchemin du procès-verbal et une série de pièces à l’effigie de la République.
Ont été invités à signer le procès-verbal de la cérémonie :
MM. Gustave Lemaire, maire, Dumont, Deman, Bonpain, adjoints ; Marcel, Reumaux, Verleye, Flament, Spiers, Didier, Hamoir, Gérard, conseillers municipaux, membres de la commission du monument ; M. Bonvarlet, président du Comité Flamand, M. de Lesdain, membre de la commission de la Bibliothèque communale ; M. Meesemaecker, commissaire de l’inscription maritime ; MM. Dardenne, Paul Dubois, ingénieurs des Ponts et Chaussées et MM. les chefs des services municipaux.
L’inauguration aura lieu le samedi 9 septembre, à deux heures du soir.

mardi 25 septembre 2012

Les épidémies dans la région dunkerquoise au cours de la seconde moitié du XIXe siècle (1855-1894)


In annuaire départemental du Nord, années indiquées au droit des extraits

Année 1855 :
Arrondissement de Dunkerque. La fièvre puerpérale qui avait régné jusqu’au 10 novembre 1854 et avait fait d’assez nombreuses victimes dans la classe malheureuse de la ville de Dunkerque, a réapparu dans les premiers mois de janvier, et de cette époque au 23 mars, dix femmes ont été atteintes. Cet arrondissement a offert des particularités remarquables, soit sous le rapport des conditions propres aux femmes atteintes, soit sous celui des moyens thérapeutiques auxquels on a dû quelques succès.
Rien d’intéressant ne s’est présenté dans les autres communes de l’arrondissement. Quelques cas de variole ont eu lieu à Gravelines, à Bourbourg et à Wormhoudt, mais l’existence de cette maladie n’a été connue que par les états de vaccinations qui n’ont fourni aucun résultat sur les circonstances qui ont accompagné le développement et la marche de la maladie. A la même époque, des cas de variole et de varioloïde dont le nombre est indéterminé ont été observés à Dunkerque ; ces dernières affections n’ont donné lieu à aucun décès. (Annuaire statistique départemental, 1857)

Année 1856 :
Aucune affection présentant le caractère épidémique n’a été constaté dans les arrondissements de Dunkerque, Lille et Douai. (Annuaire statistique départemental, 1858)

Année 1857
Arrondissement de Dunkerque. Aucune maladie ne s’est produite avec le caractère épidémique, dans la ville de Dunkerque ni dans les différentes communes ni dans les différentes communes de l’arrondissement. (Annuaire statistique départemental, 1858)

Année 1858
Arrondissement de Dunkerque. Cet arrondissement qui, les années précédentes n’avait eu à enregistrer aucune maladie qui présentât un caractère général épidémique, n’a pas été aussi heureux dans l’année 1858. Plusieurs communes importantes, Dunkerque, Gravelines, Bourbourg, Hondschoote ont fourni à M. Lemaire, médecin des épidémies, la matière d’un travail dans lequel il a consigné des observations intéressantes sur les faits très nombreux de grippe, de rougeole, de coqueluche et de fièvre intermittente qui ont régné dans ces localités. Cette dernière maladie surtout a sévi pendant cinq mois sur la population de Dunkerque sont les deux tiers en ont reçu les atteintes. M. le docteur Lemaire attribue ces maladies principalement aux miasmes paludéens qui ont émané des terrains marécageux provenant du curage de la cunette, du canal de ceinture et du creusement du fossé de la lunette n°34. (Annuaire statistique départemental, 1860)

Année 1859
Arrondissement de Dunkerque. La fièvre intermittente a redoublé ses ravages, et au lieu de se borner à la ville de Dunkerque et aux environs de cette cité, comme précédemment a sévi, en 1859, dans presque toutes les communes de l’arrondissement où elle a atteint la moitié environ de la population, du mois de juin à la fin de septembre, et privé ainsi, les campagnes d’une partie importante de ses travailleurs. Le manque d’eau potable, les émanations du sous-sol marécageux, par suite d’une sécheresse exceptionnellement prolongée, sont considérés comme les causes probables de la maladie qui, du reste, n’a donné lieu qu’à une mortalité insignifiante, attribuée à quelques cas spéciaux d’un caractère pernicieux. (Annuaire statistique départemental, 1861)

Année 1860
Les arrondissements de Dunkerque, Hazebrouck, Lille, Douai et Avesnes n’ont donné lieu à aucune observation. (Annuaire statistique départemental, 1862).

Année 1861
Aucune maladie présentant le caractère épidémique n’a été signalée dans les arrondissements de Dunkerque, Lille, Douai et Cambrai. (Annuaire statistique départemental, 1863.)

Année 1862
Arrondissement de Dunkerque. L’arrondissement de Dunkerque est celui qui a eu le plus à souffrir des influences épidémiques. La ville de Dunkerque, qui, déjà à différentes époques, et surtout en 1858, avait été visitée par la grippe, a vu cette affection se manifester par quelques cas isolés dans le mois de janvier, se généraliser dans l’espace de deux mois et frapper les deux tiers de la population. Cette affection, dont le développement a été attribué aux influences atmosphériques, a, du reste, été très bénigne, et aucun cas de décès n’a été constaté.
A la même époque de janvier, quelques cas de varicelle discrète avaient été observés les mois précédents, lorsqu’un jeune homme de vingt-quatre ans, vacciné, avait été en rapport dans une commune de la campagne (6 kilomètres) avec un varioleux, contracte une varioloïde confluente. Ce jeune homme communiqua la maladie aux personnes qui lui donnaient des soins.
Tel est, dit l’auteur du rapport, le point de départ d’une épidémie de variole et de varioloïde et de varicelle qui a atteint son summum d’intensité en mars et s’est éteint en juillet ; ce qui doit, dit-il, faire considérer la contagion comme la cause générale de l’épidémie. Mais ne doit-on pas aussi tenir compte de la constitution médicale, puisqu’avant la maladie de ce jeune homme, on avait déjà observé plusieurs cas de varicelle, et qu’un cas de variole au moins existait dans le voisinage.
Ces trois formes de l’éruption ont existé concurremment dans les proportions suivantes :

Variole bien caractérisée : 36 cas – 29 adultes, 7 enfants, 11 vaccinés, 25 non vaccinés
Varioloïde : 44 cas – adultes : 39, enfants : 5, 1 adulte non vacciné
Varicelle, 13 cas – tous vaccinés
3 hommes ont succombé à la variole et une femme à la varioloïde.

Une femme âgée de 34 ans, non vaccinée, allaitait son enfant, est atteinte de variole ; l’enfant est vacciné le jour où la mère est atteinte, la vaccine a suivi sa marche régulière et l’enfant a été préservé. Le rapport ne dit pas si l’enfant a continué à prendre le sein. Une autre femme, enceinte de six mois, est aussi atteinte de variole confluente, sa grossesse suit son cours et l’accouchement a lieu au terme ordinaire. L’enfant mort-né présente les traces d’une variole contractée dans le sein de sa mère.
La coqueluche a, de février à mai, attaqué 3 femmes et 170 enfants. Cette affection n’a rien offert de particulier. 11 enfants en ont été victimes et ont succombé à des complications pulmonaires ou à des congestions cérébrales.
A la variole à la coqueluche a succédé la rougeole qui a sévi surtout sur les enfants en bas âge, et qui a été très grave pour ceux qui précédemment, avaient été atteints par la coqueluche, qui avait établi pour eux une prédisposition fâcheuse. La maladie a été au contraire, bénigne chez ceux qui étaient dans d’autres conditions.
La ville de Bergues (6.000 habitants) a présenté 4 cas de variole dont 2 suivis de mort, et 8 cas de varioloïde ont été observés. Cette affection a aussi été attribuée à la contagion.
La commune de Socx (728 habitants) a présenté 21 cas de variole, 13 hommes et 8 femmes, 4 vaccinés, 17 non vaccinés. 1 homme et 2 femmes ont succombé.
La fièvre typhoïde a régné dans la commune de Bourbourg ; aucun avis n’en a été donné à l’administration, et le médecin des épidémies n’a pu fournir aucun renseignement précis. Voici, du reste, comment il s’exprime dans son rapport :
« Le nombre de malades a été de 200 environ, composé principalement de jeunes sujets et surtout de jeunes filles. La mortalité a été évaluée à 15 décès. Aucune cause spéciale n’a pu être assignée. Le traitement par les préparations arsenicales a été négatif. La médecine expectante seule a eu de bons résultats. » (Annuaire statistique départemental, 1864)

Année 1863
Aucune affection ayant le caractère épidémique ne s’est présentée dans les arrondissements de Dunkerque et de Cambrai. (Annuaire statistique départemental, 1865)

Année 1864
Dans l’arrondissement de Dunkerque, la seule commune de Rexpoëde (1.883 habitants) a été visitée par la variole, dont l’apparition a coïncidé avec l’arrivée, au commencement de septembre, d’une troupe de bohémiens ayant parmi eux quelques varioleux. L’épidémie régnant encore au moment où cette indication a été donnée, le médecin se réserve de faire un rapport détaillé et complet lorsqu’elle aura entièrement disparu. (Annuaire statistique départemental, 1866)

Année 1865
Variole – cette affection, qui a sévi sur un grand nombre de communes et a présenté un certain caractère de gravité, en raison du nombre d’individus vaccinés et non-vaccinés qui en ont été atteints et victimes, n’a cependant que très peu excité l’attention des autorités locales ; aussi peu de rapports officiels ont été adressés à l’Administration. Il en résulte des tableaux fournis par le service des épidémies les faits suivants :
La maladie, importée comme il a été dit dans le rapport pour l’année 1864, à Rexpoëde, arrondissement de Dunkerque, par une troupe de Bohémiens dans laquelle se trouvaient huit enfants varioleux, a sévi depuis le commencement de novembre jusqu’au mois de mai 1865. Dans ces cinq mois, elle a attaqué 84 individus, 50 hommes et 34 femmes, et a fait 15 victimes (9 hommes et 6 femmes). Sur ce nombre, 53 avaient été vaccinés et n’ont présenté que des varioles modifiées (varioloïdes) ou des varicelles sans gravité ; tandis que les 31 autres n’avaient pas été soumis à la vaccination. Il est à remarquer qu’aucun enfant n’a été atteint. (…)
Angines – (…) 30 cas d’angine couenneuse ont été observés chez des enfants dans la commune de Ghyvelde (1.944 habitants), d’avril en octobre et ont donné lieu à 10 décès
Choléra – Cette épidémie qui, l’année précédente, avait en quelque sorte épargné nos contrées a, pendant le cours de 1866, exercé ses ravages sur le département du Nord. Sur les 660 communes dont il se compose, 150 ont été atteintes par le fléau et compté parmi leurs habitants un assez grand nombre de cas et un chiffre notable de décès. (…) Les localités où la population ouvrière industrielle est le plus compacte sont précisément celles où le choléra s’est développé avec la plus grande énergie. C’est ainsi que les villes de Lille, Roubaix, Valenciennes, Dunkerque, Armentières, Halluin ont eu un nombre considérable de malades, un chiffre élevé de décédés. … (Annuaire statistique départemental, 1867)

Année 1867
Les maladies épidémiques ont été rares dans nos contrées pendant l’année 1867. (Annuaire statistique départemental, 1869)

Année 1868
La santé publique a été généralement bonne dans le département pendant l’année 1868. (Annuaire statistique départemental, 1870)

Année 1869
Aucune grande épidémie comme celle du choléra de 1866 n’a régné dans le Nord pendant l’année 1869, mais des épidémies circonscrites et généralement peu meurtrières se sont montrées sur plusieurs points du département. (Annuaire statistique départemental, 1871)

Année 1870
L’état sanitaire du département du Nord a été moins satisfaisant en 1870 que l’année précédente. Plusieurs épidémies s’y sont montrées sur divers points et ont tourmenté à des degrés variables les populations.
Dans l’arrondissement de Douai et dans celui de Dunkerque, les médecins des épidémies déclarent qu’ils n’ont pas été appelés officiellement à constater d’épidémie dans leur arrondissement respectif, ce qui n’indique point qu’il n’y en a pas eu. (Annuaire statistique départemental, 1872)

Année 1871
L’arrondissement de Dunkerque a été assez éprouvé : à Petite-Synthe sur 2.895 habitants, il y a eu 122 décès ; à Dunkerque sur 33.083 habitants, il y a eu 588 décès civils, plus 18 décès à l’hôpital militaire. Bien que le tableau qui nous donne ces chiffres ne soit accompagné d’aucun renseignement ni d’aucune explication, il n’a pas moins sa valeur ; il nous montre, en effet, que la variole qui ne semble plus vouloir abandonner notre contrée, a fait depuis quelques années plus de victimes que le choléra et que les épidémies les plus meurtrières de ce siècle ; ce qui surprend surtout au milieu de ces désastres, c’est le peu d’empressement, je dirai même la résistance que mettent les populations à enrayer le fléau, à se préserver contre ses atteintes par une opération aussi innocente et aussi peu douloureuse que la revaccination. Pratiquée sur les adultes avec tout le soin convenable et avec le vaccin humain bien cultivé, elle est un préservatif presqu’aussi certain que la vaccine chez l’enfant. (Annuaire statistique départemental, 1873).

Année 1872
L’état sanitaire du département a été assez satisfaisant pendant l’année 1872. (Annuaire statistique départemental, 1874)

Année 1873
L’état sanitaire a été plus satisfaisant encore. (Annuaire statistique départemental, 1875)

Année 1874
Comme en 1873, l’état sanitaire du département a été assez satisfaisant en 1874. Les médecins des épidémies des arrondissements de Douai, d’Avesnes, de Valenciennes et de Dunkerque, n’ont eu, en effet, aucune mission officielle à remplir et ont envoyé des bulletins négatifs. (Annuaire statistique départemental, 1876)

Année 1875
Dans l’arrondissement de Dunkerque, une seule épidémie est signalée par M. Lemaire, médecin des épidémies. Elle a trait à la rougeole, 220 malades ont succombé. Cette épidémie a fait 215 victimes parmi les enfants de la naissance à sept ans, et cinq autres depuis dix jusqu’à vingt-trois ans. Ce sont les complications du côté des voies respiratoires qui ont causé le plus de décès. L’épidémie a duré trois mois, de la fin de décembre 1874 au commencement d’avril 1875. C’est par contagion que la maladie s’est étendue à toute la ville. (Annuaire statistique départemental, 1877)

Année 1876
Les sept arrondissements du département n’ont fourni, sauf ceux de Valenciennes et de Lille, que des rapports négatifs, ce qui peut faire supposer que l’état sanitaire y était satisfaisant. (Annuaire statistique départemental, 1878)

Année 1877
(Pas de renseignement)

Année 1878
Variole – Dans [l’arrondissement] de Dunkerque, d’après le rapport de M. Lemaire, la variole est la maladie qui a encore, cette année, causé le plus de ravages. Au chef-lieu, la maladie a été importée par un batelier venant de la Belgique ; elle s’y est propagées par un défaut d’isolement des malades et a atteint un bon nombre d’enfants, par suite de la négligence des parents qui ne font pas vacciner leurs enfants en temps opportun ; l’absence de revaccination chez les adultes a fourni également un aliment à la maladie, qui s’est montrée chez 90 adultes, parmi lesquelles elle a fait 19 victimes. C’est à la suite d’arrivée de bélandres venant de la Belgique que la variole a éclaté à Coudekerque-Branche et y a revêtu le caractère épidémique. (…)
Fièvre typhoïde – La fièvre typhoïde s’est manifestée à Dunkerque du mois de juillet au mois de septembre. D’après le rapport de M. Lemaire, elle a attaqué 43 personnes, tant adultes qu’enfants, elle a fait 12 victimes ; elle a sévi particulièrement sur la partie la plus misérable de la population, et dans les habitations les plus malsaines ; elle n’y a pas été importée mais a pris naissance sur place.
Rougeole – A Dunkerque, la rougeole a débuté, sans cause appréciable, avant la variole ; les cas de mort qui ont eu lieu sont attribués à des complications du côté des voies respiratoires.  (Annuaire statistique départemental, 1880)

Année 1879
L’état sanitaire a été assez satisfaisant pendant le cours de l’année 1879.
Rougeole – A Dunkerque, 42 [décès] sur un nombre de cas indéterminé
Coqueluche – A Dunkerque, de juillet à décembre, il y a eu 60 décès sur un nombre indéterminé de malades.
Dans l’arrondissement de Dunkerque, une épidémie de rougeole a sévi au chef-lieu de cet arrondissement ; il y a eu 84 décès : 25 hommes, 17 femmes et 42 enfants. Ces décès ont eu lieu, pour la plupart, à la suite de complications de pneumonie et de méningite, surtout chez les enfants. La coqueluche a fait aussi, dans la même ville 60 victimes chez les enfants de moins de cinq ans ; ici, ce sont ; ici, ce sont les complications du côté des poumons qui ont joué le principal rôle. (Annuaire statistique départemental, 1881)

Année 1880
(Pas de renseignements)

Année 1881
(Pas de renseignement significatif)

Année 1882
On ne signale dans l’arrondissement de Dunkerque aucune épidémie de fièvre typhoïde. (…) Dans l’arrondissement de Dunkerque, la variole a régné à l’état épidémique dans la commune de West-Cappel dont la population est de 866 âmes, 37 personnes ont été atteintes dont 6 ont succombé. (Annuaire statistique départemental, 1884)

Année 1883
(Pas de renseignement)

Année 1884
Variole – A st-Pol, près de Dunkerque, il y a eu 7 personnes atteintes parmi lesquelles il y a eu 2 décès.
Diphtérie – A Bergues, arrondissement de Dunkerque, le nombre des enfants atteints a été de 31, il y a eu 31 décès : 11 garçons et 20 filles. – A Dunkerque, la maladie n’a pas seulement régné sur les enfants mais s’est attaquée aux adultes, 30 décès ont été constatés. (Annuaire statistique départemental, 1886)

Année 1885
(Pas de renseignements)

Année 1886
Fièvre typhoïde – A Dunkerque, de nombreux cas de fièvre typhoïde se sont manifestés dans un quartier voisin de la gare du chemin de fer du Nord.
Diphtérie et croup – Dans l’arrondissement de Dunkerque, deux épidémies ont été constatées : à Coudekerque, le nombre de personnes atteintes est évalué à 40 et il y a eu 8 décès ; - à Watten, le nombre de personnes atteintes a été de 70 et il y a eu 4 décès.
Rougeole – A Gravelines, l’épidémie a sévi surtout au Petit-Fort-Philippe, aux Huttes et au Grand-Fort-Philippe. Le nombre des enfants atteints est évalué à 400 et celui des décès à 40. (Annuaire statistique départemental, 1888)
Année 1887
(Pas de renseignements)

Année 1888
Variole – la variole a fait de très nombreuses victimes. Importée à Dunkerque par l’équipage d’un navire venu de Buenos-Aires, elle a frappé dans la ville 100 personnes, causant 10 décès, et de là, s’est répandue dans les communes voisines. (Annuaire statistique départemental, 1890)

Année 1889
(Pas de renseignement)

Année 1890
Fièvre typhoïde – La fièvre typhoïde reconnait généralement pour causes primordiales l’insalubrité des habitations ou l’emploi d’une eau alimentaire contaminée. Elle a été observée à Lille où elle a donné lieu à 48 décès, à Roubaix 36, à Dunkerque 25, à Armentières 21, à Tourcoing 15, à Halluin 12, à Valenciennes 11. Elle a également fait des victimes à (…) Coudekerque (…).
Croup et angine diphtérique -  Les communes les plus éprouvées ont été : Lille 102 décès, Tourcoing 79, Dunkerque 30, Roubaix 29, Annœullin 24, Comines 20, viennent ensuite Armentières, Frelinghien, Hellemmes, La Madeleine, Merville, Vieux-Condé, Wervicq-sud, Wattrelos, Wattignies, Coudekerque, Rosendaël, Lomme, Mouveaux, Roncq.
Rougeole – Les épidémies de rougeole sont toujours très nombreuses. C’est surtout pendant les deux mois de froid intense que la mortalité s’est accentuée… à Dunkerque, 29 [décès].
Péritonite et fièvres puerpérales – Une épidémie de cette nature a été observée à Dunkerque. Elle a atteint 10 personnes et occasionné 2 décès.
Influenza ou grippe – cette maladie épidémique, qui sévissait à la fin de 1889, a continué sa marche pendant les premiers mois de 1890. Elle a atteint les 3/5 de la population. Les décès ont frappé surtout les personnes qui souffraient déjà d’affections pulmonaires. (Annuaire statistique départemental, 1892)

Année 1891
Variole – La variole a sévi (…) à Armbouts-Cappel.
Fièvre typhoïde – On l’a observée à (…) Dunkerque, St-Pierrebroucq, Les Moëres…
Rougeole – La rougeole s’est également montrée sous la forme épidémique à (…) Gravelines, Broxeele, … (Annuaire statistique départemental, 1893)

Année 1892
Choléra asiatique – L’arrondissement de Dunkerque a surtout été éprouvé par cette redoutable maladie. Il y eut à Dunkerque 57 cas, dont 35 décès ; le choléra a sévi successivement dans 23 communes environnantes, notamment à Steene, Coudekerque-Branche, Rosendaël, Grand-Fort-Philippe. Au total compte 219 cas et 104 décès. Les municipalités ont montré le plus grand zèle pour lutter contre le fléau.
Coqueluche – Elle a existé à l’état endémique à Dunkerque, Lille et Roubaix.
Fièvre typhoïde – la fièvre typhoïde a été constatée à Rosendaël (et à Nieppe) ; elle n’a occasionné aucun décès dans ces deux communes. (Annuaire statistique départemental, 1894)

Année 1893
Fièvre typhoïde – Elle a été signalée dans les communes de Rosendaël et de West-Cappel, appartenant à l’arrondissement de Dunkerque, mais elle n’a pas revêtu de caractère épidémique.
Variole – Quelques cas se manifestèrent dans la ville de Dunkerque, ils se localisèrent tous dans la même maison.
Diphtérie – Cette terrible maladie a été constatée dans toute l’étendue de l’arrondissement de Dunkerque.
Scarlatine – Elle a envahi les arrondissements d’Avesnes et de Dunkerque.
Rougeole – la rougeole a régné avec intensité dans le département, sauf dans l’arrondissement de Dunkerque.
Coqueluche – La coqueluche a été observée à l’état épidémique dans les arrondissements de Lille, de Dunkerque et d’Avesnes. Elle a occasionné moins de décès que les années précédentes.
Choléra – Le choléra s’est montré en divers points de l’arrondissement de Dunkerque, à St-Pol-sur-Mer, à Bray-Dunes, à Rosendaël ; c’était la continuation de l’épidémie de l’année précédente. Il y eut deux décès et sept cas non mortels à Rosendaël, et deux décès et trois cas à Dunkerque. Des mesures très rigoureuses de désinfection et d’isolement furent prises dès le début, et le fléau ne se propagea pas. (Annuaire statistique départemental, 1895)

Année 1894
Fièvre typhoïde – La fièvre typhoïde a régné dans tous les arrondissements, sauf celui d’Avesnes. (…) On a constaté (…) 62 cas et 16 décès à Dunkerque. Parmi les autres communes atteintes par le fléau, se trouvent notamment celles de Grand-Fort-Philippe, St-Pol-sur-Mer, Coudekerque-Branche (…).
Scarlatine – Il y a eu dans la ville de Dunkerque plus de 150 cas suivis d’un seul décès.
Rougeole – la rougeole a régné dans les arrondissements d’Avesnes, Cambrai, Douai, Lille et Valenciennes. Elle a surtout sévi avec intensité dans les communes de Roost-Warendin, Hondschoote et Hergnies.
Coqueluche – La coqueluche a été signalée dans les arrondissements de Dunkerque, Hazebrouck, Avesnes et Lille. Les cas ont été nombreux à Dunkerque, Bollezeele, Socx, … (Annuaire statistique départemental, 1896)


lundi 24 septembre 2012

1793 : Dunkerque reconnue par la Convention Nationale


In Journal Le centenaire du siège de Dunkerque 1793-1893, exemplaire unique, Dunkerque, 9 & 10 septembre 1893,


La guerre étrangère avait commencé dès l’année 1792. Dumouriez, vainqueur à Valmy et à Jemappes, était entré triomphalement à Bruxelles.

L’exécution de l’infortuné Louis XVI détermina les puissances de l’Europe à former la première coalition. La campagne de 1793 commence par des revers, Dumouriez est vaincu à Neerwinden par le prince de Cobourg, et, devenu suspect à la Convention, il passe à l’ennemi. En présence des dangers qui menacent le pays, le Comité de Salut Public donne les pleins pouvoirs à un de ses membres, Carnot, officier du génie. Aidé de Prieur de la Côte d’Or et de Lindet, le grand patriote se met aussitôt à l’œuvre, et, par ses mesures à la fois énergiques et habiles, il sauve la France et mérite le titre à jamais glorieux d’organisateur de la victoire.

L’Angleterre ne pouvait se consoler d’avoir perdu Dunkerque. Aussi William Pitt, le chef du cabinet anglais, voulait-il la reprendre pour avoir un pied sur le continent. Le duc d’York, fils du roi de la Grande-Bretagne, reçut l’ordre de se porter sur notre ville. Laissant le prince d’Orange à Menin et le feld-maréchal Freytag à Roesbrugghe sur l’Yser, près d’Oost-Cappel, il se dirige vers Dunkerque avec 20.000 hommes.

La ville, entourée d’une simple fortification en sable gazonné, était résolue à lutter jusqu’à la dernière extrémité : « Les Dunkerquois, écrit Carnot, après une inspection faite avec le représentant Duquesnoy, son collègue, ont à soutenir une gloire ancienne, et nous les avons trouvés disposés à s’ensevelir sous les ruines de leur cité, plutôt que de l’abandonner. »

Le 23 août, l’avant-garde des alliés arrive au village de Leffrinckoucke. Aussitôt le duc d’York somme Dunkerque de lui ouvrir ses portes. Le général Pascal Kerenveyer, qui commandait place et l’arrondissement avait eu pour successeur un enfant du pays, le général O’Méara ; celui-ci fait cette réponse : « Investi de la confiance de la République, j’ai bien reçu votre sommation de rendre une ville importante. J’y répondrai en vous assurant que je saurai  la défendre avec les braves républicains que j’ai l’honneur de commander. »

Le général anglais, après avoir établi son quartier général à Leffrinckoucke, échelonne ses troupes depuis les dunes jusqu’au pont de Steendam.

Afin d’empêcher l’investissement complet de leur ville, les Dunkerquois introduisent les eaux de la mer dans l’espace situé entre le Fort Louis et le canal des Moëres mais ils ne réussissent pas à inonder le Rosendaël.

La garnison se composait de troupes de différentes armes et des recrues du camp de Ghyvelde qui avaient fui lâchement à l’approche de l’ennemi. C’est à sa vaillante garde nationale, qui se leva toute entière à la voix du maire Emmery, que Dunkerque fut redevable de son salut. Du reste, la population montra un dévouement admirable. Pendant que les hommes gardaient les remparts et que les vieillards et les enfants faisaient des cartouches, on vit des femmes de la plus haute condition se retirer à l’hospice St-Julien ou à l’église St-Eloi, convertie en ambulance ; là, infirmières volontaires, elles passèrent leurs jours et leurs nuits à panser les plus horribles blessures de leurs mais frêles et délicates.

Dès le 24, les batteries anglaises commencent à bombarder la place ; actuellement encore, on peut voir un biscaïen lancé par l’ennemi, dans une maison située en face de la prison départementale.

Comme le feu des Anglais qui occupaient en force le Rosendaël causait beaucoup de ravages dans la ville, on résolut de faire une sortie pour les déloger de cette position. Protégé par le feu des remparts que dirige l’artilleur Laurent Philippe, une partie de la garnison, commandée par le chef de brigade Lanoue, et les grenadiers de la garde nationale, sous les ordres du commandant Maurin, attaquent les lignes de l’ennemi. La lutte commencée à neuf heures du matin ne se termine qu’à l’approche de la nuit. Là périt le général hessois d’Alton, tué par un boulet que lança jacques, dit Girardeau, habile artilleur de la milice citoyenne.

Le lendemain 25, les ennemis tentèrent de surprendre la place, mais ils furent repoussés.

Cependant, la situation devenait de plus en plus critique. Il était évident pour tous que la ville ne tarderait pas à succomber.

Le général O’Méara, regardé comme incapable, fut remplacé par le général Souham auquel il fut adjoint Lazare Hoche, à peine âgé de vingt-cinq ans.

Voici d’après Hoche lui-même, l’état dans lequel se trouvait alors Dunkerque : « Cette place était absolument sans défense ; les troupes désorganisées et harassées de fatigues… A force de travail nous commençons à nous reconnaître. Pitt avait ici des agents. Des papiers incendiaires ont été répandus, des signaux donnés à la flotte ennemie mouillée à trois quarts de lieue de la ville. Les matelots frappés d’une terreur panique s’étaient insurgés. Ces hommes égarés avaient forcé leur chef à quitter la station et voulaient rentrer dans le port. »

Dans ces circonstances, Hoche montra les grandes qualités qui devaient bientôt faire de lui un des plus illustres généraux de la Révolution. A peine arrivé, il prend les mesures les plus rigoureuses : il adresse aux habitants, aux matelots et aux soldats des proclamations empreintes du plus pur patriotisme.

Le général Houchard avait reçu de Carnot l’ordre de débloquer Dunkerque et Bergues. Avec l’aide des généraux Jourdan, Hédonville et Vandamme, il parvient, après une lutte acharnée de trois jours (6,7 et 8 septembre), à chasser les ennemis des redoutes du moulin d’Hondschoote.

Le général Souham, qui avait été un instant remplacé par Ferrand, avait repris le commandement de la place. Il aida puissamment Houchard en retenant devant les murs de la ville l’armée de siège. Des renforts nombreux étaient arrivés et la garnison s’élevait alors à près de dix mille hommes. Un souvenir particulier est dû aux braves gardes nationaux d’Hondschoote, qui, chassés de leurs foyers envahis, vinrent avec leur colonel Herrewyn concourir à la défense de notre ville.

Le 6 septembre, Hoche dirigea une sortie vigoureuse du côté de Rosendaël et porta le désordre dans les lignes ennemies. Le 7, il continua ses manœuvres. La journée du 8 devait être décisive. Le duc d’York veut frapper un grand coup ; vers midi, el canon du Rosendaël se met à tonner et la cavalerie anglaise, longeant la plage, tente de pénétrer en ville par la porte de l’Estran. Mais elle est arrêtée par les braves canonniers du capitaine Castagnier et de Pierre l’Hermite, embossée le long des dunes. Les Anglais reculent en désordre. En même temps, une vigoureuse sortie met en fuite l’infanterie anglaise qui s’avançait vers la place.

Dans ces trois glorieuses journées, les alliés perdirent plus de 800 hommes, et parmi eux le colonel du Génie Moncrif.

L’attaque sur Dunkerque avait échoué et les coalisés, vaincus à Hondschoote, fuyaient en désordre. Le duc d’York, qui craignait à tout instant de voir paraître Houchard victorieux et d’être coupé de sa retraite, prit la résolution de lever le siège. Dans la nuit du 8 au 9, l’ennemi, abandonnant son artillerie et ses munitions, se dirigea vers Furnes, sous les ordres des généraux d’Alvinzi et Biéla.

Dunkerque était délivrée !

Quelques jours après, la Convention décréta qu’elle avait bien mérité de la Patrie.

DECRET DE LA CONVENTION NATIONALE
La Convention Nationale, après avoir entendu son Comité de Salut Public sur les journées mémorables qui ont délivré Bergues et Dunkerque des attaques des tyrans coalisés.
Décrète :
ARTICLE 1er – L’armée du Nord a bien mérité de la Patrie
ARTICLE II – Il sera écrit par le Président de la Convention Nationale une lettre de satisfaction aux citoyens de Bergues et de Dunkerque, à l’armée du Nord, aux généraux Jourdan et Collard qui ont été grièvement blessés après avoir contribué à la victoire, au soldat qui, après avoir eu un bras emporté par un boulet de canon, s’est écrié : « j’en ai encore un pour la République », ainsi qu’au volontaire national qui a emporté un drapeau défendu par douze esclaves des tyrans.
ART. III – Les représentants du peuple près les armées sont chargées de recueillir et de transmettre à la Convention Nationale les traits de bravoure et les actions héroïques des défenseurs de la République.

Voici la lettre dont il est question :

« Paris, le 30 septembre 1793.
L’an II de la République Française.
Les représentants du peuple membres du Comité de Salut Public.
Au Procureur de la commune de la ville de Dunkerque.
Nous avons reçu, citoyen, votre lettre du 11 courant et les divers exemplaires de l’attestation donnée par le général Ferrand  à la ville de Dunkerque ; la Convention nationale n’a point attendu cette nouvelle preuve du civisme de vos concitoyens pour leur témoigner sa satisfaction ; par son décret du 17 de ce mois, elle a chargé son Président d’écrire à la ville de Dunkerque pour la féliciter sur le civisme et le courage qu’elle vient de manifester d’une manière si énergique et elle a décrété que cette cité avait bien mérité de la Patrie.

Les membres du Comité de salut Public chargés de la correspondance
Signé : CARNOT, COLLOT-DHERBOIS et BILLAUD-VARENNES »

samedi 22 septembre 2012

souvenir de Rosendaël d'avant-guerre


à propos des torpilleurs de la Défense Mobile


 Les torpilleurs et contre-torpilleurs de la Défense Mobile qui passaient de port en port et dont la photographie était, à Dunkerque, un sujet de prédilection, étaient construits aux Chantiers Schneider de Châlons-sur-Soâne. Curieuse conception de torpilleur maritime capable de rallier leurs ports par les voies intérieures. Le lancement par le travers, peu pratiqué aux chantiers dunkerquois, ne laisse jamais d'étonner.



aux essais
en mer, à 27 noeuds