mercredi 30 mars 2016

1908 : les sous-marins de la Royale en test à Dunkerque



LE RECENT RAID DES SOUS-MARINS FRANÇAIS
In revue « Armée et Marine », 5 novembre 1908

On s’est beaucoup occupé ces derniers temps de la croisière Cherbourg-Brest-Dunkerque-Cherbourg, effectuée par nos nouveaux sous-marins et qui représente un total d’environ 700 milles. Il y a vraiment là une performance remarquable à enregistrer et qui montre que nos flottilles ont une endurance suffisante. C’est, en effet, une qualité indispensable pour des bâtiments de ce genre et le voyage qu’ils viennent d’effectuer montre que nos sous-marins et submersibles sont e mesure d’aller opérer sur les côtes anglaises, fermer le Pas-de-Calais ou se mettre en vedette au cap Sully, suivant les nécessités de la situation.
 
L’Emeraude, du type dit sous-marin, a effectué la première, la randonnée d’épreuve analogue à celle de l’Opale l’année dernière. Ces sous-marins sont des navires de 400 tonnes filant 12 nœuds au maximum et pouvant franchir environ 900 milles ; en effet, après leur voyage, il leur restait encore à bord à peu près 3.000 litres d’essence, ce qui leur assurait un rayon franchissable supplémentaire de 200 milles en plus des 700 déjà effectués. La vitesse moyenne a été de 8 nœuds 30. L’équipage, enfermé pendant tout le trajet, est rentré assez fatigué, mais néanmoins tout à fait en mesure de continuer encore longtemps son service. Nous possédons encore actuellement 4 navires de ce type achevés : Emeraude, Rubis, Opale, Saphir ; la Topaze et la Turquoise, qui complètent la série de six, ne tarderont pas à entrer définitivement en escadre.
 

Le 7 octobre, les submersibles Pluviôse, Ventôse, Germinal ont pris à leur tour la mer pour subir la même épreuve. Leurs machines à vapeur, dont les chaudières sont chauffées au pétrole, se sont remarquablement comportées ; mais il semble que leur rayon d’action doive être un peu moins étendu que celui des Emeraude. Néanmoins leur action serait très probablement plus efficace en ce sens que, naviguant très longtemps en surface et ne s’immergeant qu’à la dernière extrémité, les hommes de l’équipage peuvent monter se reposer à l’air vif de la pleine mer et garderont plus de force physique, par suite un moral plus solide pour le moment de l’action. Dans quelques mois (un an ou 18 mois au plus), nous aurons en escadre 12 bâtiments de ce genre, plus une vingtaine de la série Q à peu près analogues.
Si on ajoute à cela la série des submersibles Circé, Cigogne, etc., et celle des sous-marins antérieurs à l’Emeraude, nous arrivons pour fin 1908 à supputer les effectifs suivants : grands submersibles, 10 environ ; submersibles anciens, 5 ; grands sous-marins, 14 ; petits sous-marins, 24.
 
C’est là une force très remarquable… à condition d’être bien employée. Les récentes expériences viennent de prouver que nous pourrons sans crainte affecter ces flottilles à des opérations d’assez grande envergure et nettement offensives et il nous restera toujours assez de petites unités pour la défense immédiate de notre littoral. Mais il ne faut pas nous faire d’illusions sur la valeur de l’épreuve d’endurance qui vient d’être réussie. Elle s’est faite par un temps très maniable, et il faudrait qu’on pût la répéter par grosse mer. La chose a été tentée et réalisée en Amérique l’hiver dernier. Par grosse mer très dure et par un temps froid de 10 degrés en dessous de zéro accompagné de tourmentes de neige, cinq sous-marins ont effectué, entre New York et la Cheasapealle, un voyage d’aller et retour représentant environ 600 milles. Les navires en question sont des sous-marins proprement dits, c’est-à-dire à très faible flottabilité, et dont l’avant, presque complètement immergé, n’est pas favorable à une très bonne tenue à la mer, et surtout à une bonne habitabilité. Malgré de multiples incidents et accidents, tous les navires ont réussi leur raid. Il faudrait savoir si les nôtres sont en mesure d’en faire autant, et c’est là la plus prochaine épreuve à leur imposer : elle nous apprendra si nos flottilles sont utilisables par tous temps.
 

En novembre, des expériences comparatives vont être entreprises entre un groupe de 4 Emeraude, type de l’ingénieur Maugas et 3 Pluviôse, type de l’ingénieur Laubœuf ; elles porteront sur la rapidité de plongée, la plongée sous vapeur, la tenue au large par gros temps, les conditions de tenue de l’équipage. Nul doute qu’on en tire le plus grand profit pour les constructions à venir.
 
Mais il est une chose à perfectionner entre toutes : l’art du lancement de la torpille qui donne encore aujourd’hui de trop nombreux déboires ; il faut arriver à ce résultat que toute torpille lancée arrive au but. De récents perfectionnements en ont fait une arme plus redoutable que jamais en augmentant sa portée et sa charge offensive de fulmi-coton ; la grosse question est donc la précision du tir et ce n’est que par de très fréquents exercices qu’on peut espérer arriver à de bons résultats. Ce tir est surtout difficile pour le sous-marin obligé de tenir compte de multiples causes de déviation de son engin destructeur. La France, qui a été la créatrice de la nouvelle arme, doit faire les plus grands efforts pour rester la première dans l’art de s’en servir.

dimanche 20 mars 2016

Dunkerque, port d'attente de la CGG

Le groupe de géophysique français CGG vient de publier de très mauvais chiffres pour le troisième trimestre, avec une perte de plus d’un milliard d’euros pour un chiffre d’affaires de 470 millions d’euros. Les conséquences ne se sont pas faites attendre : le groupe a annoncé le licenciement de 930 salariés, dont 310 en France et la réduction de sa flotte de navires sismiques à 5 unités seulement. En cause, la chute du prix du baril et son maintien à un prix bas qui rend la prospection en mer de moins en moins rentable. De 18 navires, la flotte est réduite à 5 batiments, tous norvegiens. Les navires immatriculés en France sont donc décommissionnés, mis sous cocon pour au moins deux ans au port de Dunkerque
Si l'on peut croiser le support vessel Gannet Bourbon au freycinet 1, les navires français de la compagnie sont désarmés et vidés de leur matériel, les ouvertures obturées et postés dans les darses de Dunkerque. La flotte présente au port se compose désormais de l'Ocean Phoenix (désarmé en fevrier 2015), du geo Carribean (désarmé en septembre 2015), de l'Oceanix Challenger (désarmé en octobe 2015), du Géo Coral (désarmé en  novembre 2015), rejoints en mars 2016 par l'Alizé et le Go Celtic, tous aux couleurs bleu et blanc de la CGG..
Pour anecdotique qu'elle soit, la situation reste préoccupante pour l'avenir du port est... Se souvenir de l'époque où les bateaux etaient déchargés à couple, les wagons et grues qui encombraient les quais et le port emplissait l'air de ses bruits pour finalement n'etre plus qu'un sas d'attente pour navires désarmés... Voilà qui n'augure rien de bon.. Quelle évolution en attendre : mettre en place un service dédié à cette activité? Créer des entreprises de deconstruction? Transformer le port est en marina? Le debat viendra bien immanquablement...
Un tour par les quais par la matinée grise et froide du 18 mars 2016...



























l'histoire au seuil de la porte : le camp de réfugiés de Grande-Synthe a enfin déménagé

 Une semaine que le camp du Basroch à Grande-Synthe a déménagé vers le site de la limière, les réfugiés ont quitté le camp de toiles, enfin, pour être plus juste, le bidon-ville qui existait depuis 2006 près du centre commercial Decathlon/Jardiland mais ont l'expansion récente ne pouvait que faire craindre le pire. En effet, dans la boue, ces réfugiés, kurdes dans leur immense majorité, étaient plus de 2.600, parmi lesquels de nombreuses femmes et enfants.

 Les lieux, pour imparfaits qu'ils soient encore car coincés entre l'autoroute A 16 - qui les sépare du centre commercial Auchan - et le triage de Grande-Synthe, ont au moins le mérite d'être cloturés et au sec... Fantastique changement au regard de l'infâme bourbier du Basroch, situé en terrain inondable.  Autre spécificité, élaboré de concert avec la municipalité et Medecins Sans Frontières qui assure le suivi sanitaire et médical, il est le PREMIER camp humanitaire en France. Si l'Etat vise à ce que les réfugiés deviennent des demandeurs d'asile pour les répartir dans des structures dans toute la France, l'immense majorité d'entre eux ne vise qu'une chose : rallier l'Angleterre... ce que, bien entendu, notre voisin refuse, concédant tout au moins la possibilité d'accueil des mineurs devant rejoindre leurs parents au premier degré... autrement dit, seulement pour rejoindre leurs pères et mère, ce qui en réduit considérablement le nombre.

 Ouvert malgré l'opposition de la Préfécture du Nord en raison de divers points de sécurité, les autorités rappellent le "risque juridique personnel" pour le maire... curieusement, cette responsabilité n'etait guère préoccupante pour les autorités prefectorales auparavant alors qu'ils se situaient dejà sur le territoire de cette commune. Quoiqu'i en soit, la municipalité sera tôt ou tard confrontée aux problèmes de frais de fonctionnement qui viendront en surcoût de l'installation. Ici, plus d'occupation anarchique du terrain mais des rues, des tentes collectives et de cabanons chauffés...

 Comme hier au Basroch, la Linière grouille de nombreux bénévoles et volontaires, locaux et Français, européens venant d'Allemagne, de Suisse, de Belgique, des Pays-Bas... du Royaume-uni aussi... mais il leur faudra malgré tout déployer des trésors de persuasion pour leur faire comprendre que le Royaume-Uni, c'est "no way" ! En attendant, il faut nourrir, loger et soigner pas moins de 1.500 personnes, car le camp est déjà au maximum de sa capacité initiale... en gardant à l'esprit qu'il s'agit d'une situation provisoire et transitoire, le camp n'ayant aucune vocation à devenir pérenne...












 Enfin des lieux de vie communs, des laveries, une infirmerie dignes de ce nom...





















 Bref retour sur le Basroch vidé de ses "occupants"... Les services des espaces verts travaillent à remettre les haies de saules tressés en état et d'autres s'acharnent à effacer les traces d'une longue et douloureuse occupation... Ce jour là, pas de boue mais les lieux, désormais silencieux et vides, ne peuvent que rappeler que - quoi que l'on en pense - le nouveau camp est un immense et réel progrès...



 l'arbre aux peluches, qui restera certainement le plus fort des symboles du camp du Basroch...